Fondements éthiques et juridiques

Cette boîte thématique « Themenbox » regroupe des informations au sujet du Droit et de l’Éthique qui aideront le personnel à traiter les personnes atteintes d’une pathologie démentielle de manière respectueuse et à affronter les questions normatives qui se posent quotidiennement. La manière dont les tâches requises au niveau de l’assistance, de l’accompagnement et des soins sont réalisées, dépend de la conception personnelle que l’on a de l’être humain, conception qui influe sur notre attitude intérieure. L’attitude intérieure façonne nos actes au quotidien.

« La dignité et l’autonomie sont deux notions éthiques fondamentales pour caractériser une vie humaine. Elles sont valables pour chaque vie. » (Rüegger, 2013, préface C. Schmid, p. 7). Ces deux dimensions éthiques sont dérivées de la dignité humaine inaliénable et elles sont indispensables notamment dans l’assistance des personnes souffrant d’une pathologie
démentielle : « La dignité et l’autodétermination requièrent une protection particulière lorsque des personnes perdent, totalement ou en partie, leur capacité d’autonomie en raison de problèmes de santé. » (Rüegger, 2013, préface C. Schmid, p. 7). Comme les personnes atteintes d’une pathologie démentielle ne sont souvent plus en mesure de faire valoir leurs droits de manière autonome, elles ont  tout particulièrement besoin d’une protection de leur dignité, de leur autonomie et des autres droits qui en découlent.

Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)

En faisant référence à la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, la Convention relative aux droits des personnes handicapées met l’accent sur la reconnaissance de la dignité et des valeurs ainsi que des droits égaux et inaliénables de tous les êtres humains. Elle renforce la compréhension d’une société qui n’accepte pas l’exclusion des personnes handicapées. L’article 3 précise notamment les aspects de la participation et l’inclusion dans la société.

La Convention sur les droits des personnes handicapées (Convention relative aux droits des personnes handicapées CDPH) est une résolution adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations Unies et entrée en vigueur le 3 mai 2008. « La CDPH a été ratifiée par la Suisse le 15 avril 2014 et est entrée en vigueur le 15 mai 2014. En adhérant à cette Convention, elle s’engage à éliminer les obstacles auxquels se voient confrontées les personnes handicapées, à les protéger contre les discriminations et à favoriser leur intégration et égalité dans la société » (Département fédéral de l’intérieur). Cela concerne notamment la formation, le travail et l’accessibilité dans tous les domaines de la vie, y compris l’accès aux transports publics.

Les associations INSOS, CURAVIVA et VAHS (Union suisse pour la pédagogie curative et la sociothérapie anthroposophique) ont formé un groupe de travail commun. Il examine la meilleure manière de soutenir les institutions dans les domaines de l’enfance et de la jeunesse, des personnes handicapées et des personnes âgées, lors de la mise en œuvre concrète de la Convention.

Fondements éthiques et juridiques

Capacité de discernement

L’art. 16 du Code civil (CC) définit la capacité de discernement comme suit : « Toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes similaires est capable de discernement au sens de la présente loi. ». Le critère « agir raisonnablement » présuppose qu’une personne est capable de se faire une idée de la réalité et de juger du sens, de l’utilité et des effets d’un certain comportement. La capacité de discernement présuppose en outre que l’on peut choisir son comportement de manière libre et sans subir d’influence.

La loi part du principe qu’une personne est capable de discernement jusqu’à preuve du contraire. La capacité de discernement doit donc être contestée expressément. De plus, la capacité de discernement est toujours liée à des situations et décisions concrètes. Elle doit donc être évaluée au cas par cas. Le diagnostic « démence » ne signifie pas que la personne concernée n’est plus capable de discernement. Il en va de même pour une déficience cognitive/mentale ou bien psychique.

Droits de représentation

La nouvelle loi sur la protection de l’adulte garantit que toute personne dispose, en cas d’incapacité de discernement, d’un représentant légal. Pour ce faire, il y a différentes formalités et compétences.

Dans l’absence d’un représentant désigné dans un mandat pour cause d’inaptitude, l’art. 374 CC prévoit la représentation de la personne incapable de discernement par l’époux / l’épouse ou bien le/la partenaire enregistré(e), pour certaines affaires personnelles et financières. Au cas où les intérêts de la personne incapable de discernement seraient, dans le cadre de la représentation, mis en danger, voire complètement négligés, l’autorité en matière de protection de l’adulte entrera en vigueur et pourra ordonner une curatelle (cf. art. 376,2 CC).

Le représentant de la personne incapable de discernement, concernant les mesures médicales (cf. art. 377 sq. CC), devra avant tout se conformer à la volonté exprimée dans les directives anticipées. Au cas où les directives anticipées n’en diraient rien, le médecin traitant devra planifier la thérapie en accord avec la personne ayant le pouvoir de représentation concernant les mesures médicales. L’art. 378 B, par. 1, CC spécifie en détail l’ordre des personnes ayant le pouvoir de représentation concernant les mesures ambulatoires ou stationnaires.

Mesures restreignant la liberté de mouvement

La prise de mesures de restriction de la liberté de mouvement / de privation de liberté dans les institutions est soumise à la nouvelle loi sur la protection de l’adulte (cf. art. 383 sqq. CC). Les mesures restreignant la liberté de mouvement doivent être prises toute proportion gardée et ne peuvent être utilisées que lorsque des mesures moins strictes s’avèrent inefficaces. La responsabilité pour la mesure prise incombe à l’institution. Les mesures doivent être documentées, avec mention du motif, de la durée et de la date de l’examen de contrôle. Elles doivent être limitées dans le temps et être vérifiées régulièrement. Toutes ces informations doivent être consignées par écrit. De plus, les personnes concernées ainsi que leurs proches pourront recourir à l’autorité de protection de l’adulte, s’ils sont d’avis que cette mesure n’est pas justifiée.

Il est toutefois conseillé de consigner par écrit, avec documentation, le moment où l’on renonce volontairement à des mesures de restriction de la liberté de mouvement / de privation de liberté. C’est justement avec des personnes capables de discernement que les proches ne sont pas toujours du même avis quant au fait de renoncer à de telles mesures.

Mandat pour cause d’inaptitude et directives anticipées du patient

Dans le droit de la protection de l’adulte sont inscrits le mandat pour cause d’inaptitude (art. 360 sqq. Code civil, CC) et les directives anticipées du patient (art. 370 sqq. CC). Ces deux instruments de la prévoyance personnelle définissent qui prendra les décisions lorsque les personnes seront devenues incapables de discernement.

Le nouveau mandat pour cause d’inaptitude permet de régler des affaires personnelles (p. ex. les mesures relatives aux soins, à l’assistance et au traitement médical), des affaires financières (p. ex. gestion des revenus et du patrimoine) et des affaires administratives ainsi que la représentation légale (par ex. à l’encontre des autorités, assurances, tribunaux), en mandatant un tiers. Il est toutefois important d’en parler auparavant à la personne prévue étant donné que cette dernière n’est pas obligée d’assumer cette responsabilité.

Au moyen des directives anticipées, toute personne capable de discernement peut déclarer sa propre volonté en relation avec les mesures médicales et les soins et désigner un représentant pour faire valoir, en cas d’incapacité de discernement de la personne concernée, sa volonté en relation avec les mesures médicales.

Cadres de référence éthiques

Directives médico-éthiques de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM)

La Commission Centrale d’Éthique de l’ASSM discute les problèmes éthiques en médecine. Pour aider la pratique médicale ou la recherche biomédicale, elle formule des directives et recommandations. Ces dernières sont en règle générale intégrées dans le code de déontologie de la FMH (Fédération des Médecins Suisses) et deviennent ainsi obligatoires pour ses membres. Les directives sont contrôlées et révisées à intervalles réguliers.

Inspirée par la stratégie nationale en matière de démence 2014–2019, l’ASSM élabore les directives médico-éthiques « Assistance et traitement des personnes atteintes de démence ».

Dans le contexte de la prise en charge de la démence, les directives suivantes de l’ASSM sont de surcroît primordiales:

  • Mesures coercitives en médecine
  • Directives anticipées
  • Décisions de réanimations
  • Traitement médical et prise en charge des personnes handicapées
  • Soins palliatifs
  • Traitement et assistance aux personnes âgées en situation de dépendance
  • Directives de fin de vie (en cours de révision)
  • Prise en charge et traitement des personnes atteintes de démence
  • Évaluation de la capacité de discernement (en cours de révision)

Attitude centrée sur la personne

L’approche centrée sur la personne – on parle souvent de cette approche dans la pédagogie curative et sociale également – on le doit au psychologue américain Carl Rogers (1902-1987). La préservation de la dignité humaine et le respect de chaque être humain sont des éléments primordiaux de cette approche. Dans une conception humaniste, chaque être humain est considéré comme personne autonome et précieuse, et la diversité est respectée. L’attitude centrée sur la personne différencie trois aspects :

  • empathie, c’est à dire la capacité d’observer le vécu et les émotions d’autres personnes de manière précise et sensible ;
  • bienveillance, c’est à dire la capacité d’accepter une personne telle qu’elle est, soit avec toutes ses facultés et difficultés ;
  • congruence, c’est à dire la capacité de se rendre compte de ses propres attitudes, émotions et préjugés mais aussi de refléter de manière exacte le comportement d’autrui et d’y réagir si c’est possible et utile.

De nombreuses approches dans l’accompagnement, la prise en charge et les soins de personnes atteintes d’une pathologie démentielle s’orientent vers cette attitude centrée sur la personne dans la psychologie humaniste, p. ex. la validation.

La structure de base des soins centrés sur la personne d’après Carl Rogers a été illustrée par Ian Morton. Dans son livre « Die Würde wahren » il décrit en outre les plus importantes approches de la prise en charge de la démence qui s’orientent sur l’attitude centrée sur la personne.

Tom Kitwood a différencié cette approche de manière explicite pour l’accompagnement des personnes atteintes d’une pathologie démentielle.

En Suisse, le thème de l’attitude centrée sur la personne dans le traitement des personnes âgées en situation de dépendance est abordé de manière différenciée et a été concrétisé par Marlis Pörtner pour la vie quotidienne.